"Pourquoi vivre avec cette hâte et ce gaspillage de vie ?"
Walden ou la vie dans les bois (Walden; or, Life in the Woods)
Henry David Thoreau (1854)
"Why should we live with such hurry and waste of life"
Ce photoblog présente quotidiennement
un premier choix non définitif d'images pour les séries en cours.
Il vient en complément du site www.yannickvallet.com qui, lui,
présente un panorama complet de mon travail.
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22 octobre 2014
8 octobre 2014
Solitude
"Pendant que je savoure l’amitié des saisons j’ai conscience que rien ne peut faire de la vie un fardeau pour moi."
Walden ou la vie dans les bois (Walden; or, Life in the Woods)
Henry David Thoreau (1854)
"While I enjoy the friendship of the seasons I trust that nothing can make life a burden to me."
Walden ou la vie dans les bois (Walden; or, Life in the Woods)
Henry David Thoreau (1854)
"While I enjoy the friendship of the seasons I trust that nothing can make life a burden to me."
24 septembre 2014
Bruits
"Quelquefois, par un matin d’été, ayant pris mon bain accoutumé, je restais assis sur mon seuil ensoleillé du lever du soleil à midi, perdu en rêve, au milieu des pins, les hickorys et les sumacs, au sein d’une solitude et d’une paix que rien ne troublait, pendant que les oiseaux chantaient à la ronde ou voletaient sans bruit à travers la maison, jusqu’à ce que le soleil se présentant à ma fenêtre de l’ouest, ou le bruit de quelque chariot de voyageur là-bas sur la grand-route, me rappelassent le temps écoulé."
Walden ou la vie dans les bois (Walden; or, Life in the Woods)
Henry David Thoreau (1854)
"Sometimes, in a summer morning, having taken my accustomed bath, I sat in my sunny doorway from sunrise till noon, rapt in a revery, amidst the pines and hickories and sumachs, in undisturbed solitude and stillness, while the birds sing around or flitted noiseless through the house, until by the sun falling in at my west window, or the noise of some traveller's wagon on the distant highway, I was reminded of the lapse of time."
Walden ou la vie dans les bois (Walden; or, Life in the Woods)
Henry David Thoreau (1854)
"Sometimes, in a summer morning, having taken my accustomed bath, I sat in my sunny doorway from sunrise till noon, rapt in a revery, amidst the pines and hickories and sumachs, in undisturbed solitude and stillness, while the birds sing around or flitted noiseless through the house, until by the sun falling in at my west window, or the noise of some traveller's wagon on the distant highway, I was reminded of the lapse of time."
5 mars 2014
Le Château d'eau
"Entre le port et le village du Verdon, la route, qui tout d'abord longe une voie ferrée, puis s'en détache à angle droit pour devenir une chaussée pavée, est bordée du côté gauche par une lande qu'occupaient autrefois les citernes du port pétrolier. Le site est dominé par un château d'eau, désormais complètement isolé, sur lequel se distinguent encore quelques traces des peintures de camouflage dont il était revêtu pendant la guerre."
Terminal Frigo - Jean Rolin (2005)
5 février 2014
La photo dans la boutique
"Dans la boutique de Uoharu, sur un pan de mur non loin de l’entrée, il y a une photo accrochée avec des punaises.
On y voit deux hommes, deux Occidentaux. En complet sombre, debout, les coudes appuyés sur une table ronde qui leur arrive à hauteur de poitrine. L’un est étiré en longueur comme un fil, l’autre, petit et râblé. Ils ne se dévisagent pas, ils ne fixent pas non plus l’objectif de l’appareil, ils regardent vaguement au loin.
« C'est une photo qui ne date pas d'hier, on dirait » ai-je dit à Heizô, le patron. Il a hoché la tête, puis m'a demandé : « Vous les connaissez, madame, ces deux-là ? »"
Le temps qui va, le temps qui vient (Dokokara ittemo tooi machi)
Hiromi Kawakami (2008)
1 mai 2013
La crèche de Jadowia
"Il emprunta la même rue jusqu'à la clinique, un bâtiment à deux niveaux peint en jaune sale. Des voitures maculées de boue étaient garées tout près, ainsi que deux charettes et leurs chevaux. Du côté le plus proche du centre du village, il y avait une vieille grange et trois remises décaties qui appartenaient à la maison voisine. De l'autre côté se dressaient des fondations en béton inachevées. Le père Tadeusz se rappela qu'il s'agissait du chantier à l'arrêt d'une crèche – si son souvenir était bon – pour lequel l'argent avait manqué. Un tas de parpaings traînait près du mur des fondations, au milieu des mauvaises herbes, et la zone alentour avait été aplanie par une niveleuse ou un tracteur. Une rangée de vieux peupliers rabougris bordait le terrain à gauche comme à droite. Une clôture de barbelés se déployait au fond. Au-delà, un champ désert."
En mémoire de la forêt (In the Memory of the Forest)
Charles T. Powers (1997)
27 février 2013
Circulation(s) 2013 - Introduction
Alors qu'a débuté la semaine dernière le festival Circulation(s) au Parc de Bagatelle, voici le texte d'introduction écrit par François Cheval, conservateur du Musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône et parrain 2013 de la manifestation.
Un état des lieux savoureusement drôle mais terriblement lucide de la photographie !
Il est intitulé :
François Cheval
CIRCULATION(S)
Festival Européen de la jeune photographie
Galerie Côté Seine et Trianon - Parc de Bagatelle
Route de Sèvre à Neuilly, Paris 16
Du 22 février au 31 mars 2013.
Entrée libre
Un état des lieux savoureusement drôle mais terriblement lucide de la photographie !
Il est intitulé :
Instructions aux jeunes photographes avides de succès
Il est assez commode de nos jours pour de jeunes gens ambitieux de devenir un photographe de renommée. Pour ma part, ayant fréquenté les musées, écumé les galeries, subi de trop nombreuses lectures de portfolios et perdu un temps inestimable dans des jurys sentant bon la tricherie, je n’ai plus beaucoup d’illusions sur la jeunesse, et en particulier sur sa capacité à renouveler la scène photographique. Mais à mon âge, quelques considérations morales, - les dernières, espérons-le-, m’imposent de délivrer les leçons d’une existence vouée à l’art et à la photographie. Le succès est à la portée de tous. Il suffit pour cela de suivre les conseils que je vais énoncer. Mais, si vous les considérez comme inutiles, si vous croyez que le talent et le travail suffisent seuls à imposer votre art, reportez-vous aux éditions précédentes de « Circulation(s) », ou, sans nul doute, à celles qui suivront. Vous trouverez de belles professions de foi en la jeunesse, en ses vertus supposées et en sa fameuse puissance innée de création.
Pour ceux qui n’ont pas tourné les talons, il y a plusieurs manières d’aborder le milieu de la photographie et vous devez les connaître toutes. En premier, il faut s’imposer de suite auprès des conservateurs, des commissaires, des curateurs et des critiques. Invitez-les ! Ne reculez devant aucune marque de séduction, même si je dois vous mettre en garde contre toute espèce de démonstration de tendresse envers cette engeance. Non que cela soit formellement interdit car il n’y a rien de méprisable à montrer aux vieux barbons un certain empressement. Mais il faut que ces témoignages d’attachement, votre affection, restent confidentiels. Prodiguez donc généreusement à tous et que chacun, - ah l’imbécile ! -, se croit l’élu : un commissaire n’aime rien tant que se figurer l’unique découvreur et être le seul aimé. Il se sait faillible et vit dans la hantise de manquer les talents naissants. Jouez donc avec finesse de l’affection et de la culpabilité.
Soyez laudatifs aussi, sans limite ! Vous avez lu ses œuvres, dévoré ses articles, annoté ses notices. Vous saluez le style, mais par-dessus tout, vous célébrez les choix courageux. Sans lui, - il le croira aisément -, vous ne seriez jamais parvenu à ce haut niveau de pensée et d’exécution. C’est alors que, saisi d’effroi par tant de maturité précoce, le commissaire ne pourra faire l’économie d’une recommandation, d’une exposition ou, promesse biblique, d’une acquisition.
Si vous faites partie d’une promotion récente issue de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie, de Paris VIII ou des Gobelins, vous susciterez quelque curiosité dans les premiers temps, mais l’oubli guette, déjà prêt à engloutir la chair fraîche. Vous croyez la porter belle avec votre diplôme. La belle affaire ! N’imaginez pas vous débarrasser du monde des idées, des concepts, de la sémiologie, des « Visual Studies » ; une vie où, enfin, vous n’auriez plus à interpréter et démêler Foucault, Baudrillard et Derrida. Il vous faut déconstruire la photographie ! N’imaginez pas une carrière faite de prises de vue, de commandes, d’expositions et de ventes. Détrompez-vous, en France, on ne photographie qu’à la condition préalable d’avoir exprimé fort et haut une intention. Sans cela, vous n’accéderez jamais au rang envié d’auteur. Je dois donc vous recommander de prime abord de vous constituer une solide bibliothèque, suffisamment garnie pour qu’elle épate l’hypothétique visiteur de l’atelier. Concentrez-vous sur les publications françaises et anglo-saxonnes. En revanche, vous dédaignerez la littérature allemande, intraduisible et d’ailleurs inconnue. Sans pédanterie aucune, citez abondamment même si vos seules références sont télévisuelles. Mais n’ayez crainte, le conservateur, le commissaire, le curateur et le critique partagent la même culture.
En revanche, méfiez-vous du galeriste, par expérience plus retors, et sans illusion. Il faut avec lui user d’autres armes. La séduction l’ennuie. Des jeunes gens et des jeunes filles, il en connaît les vicissitudes et le prix. Il refusera tout rendez-vous prétextant la masse des dossiers, sa présence à la foire de Bâle et la réticence des collectionneurs. Peu enclin à la curiosité, il ne consentira que contraint et forcé à vous recevoir, fruit d’une bienveillante intervention, conséquence de la première leçon. Là, il vous faudra mentir. Il faut persuader votre interlocuteur que vous êtes adoubé. Surtout ne vous présentez pas comme photographe ; plasticien utilisant le médium photographique semble l’expression la plus adaptée à la période. Elle vous range dans la catégorie des artistes contemporains. Après, égrenez les recommandations les plus fantaisistes. Les noms de directeurs de festival, même rencontrés fortuitement lors d’un cocktail, feront l’affaire. La géographie de la photographie se réduit à peu de choses, aussi, il faut veiller à n’évoquer que les biennales d’Europe Centrale ou, choses rares, les manifestations chinoises ou khmères. Membre du cercle très restreint des photographes reconnus, jamais vous ne prononcez le patronyme de vos pairs, mais vous évoquez au débotté Nan, Andres, Vik, etc., tous croisés à l’occasion de vos nombreux et réguliers projets montés à l’étranger.
La multiplication des visas sur un passeport contribue à la pertinence du personnage que vous créez. New York s’impose comme la référence absolue pour ses vertus indépassables. Ville de prescripteurs, comme dirait Olivier Poivre d’Arvor, vous y apprendrez l’essentiel du métier, à savoir l’anglais et le cynisme. Berlin, il faut y passer. Vous obtiendrez là un certificat authentique d’artiste cosmopolite attirant la sympathie du collectionneur allemand, de bonne compagnie, quoique que chrétien-démocrate (ce qui, pour Thomas Bernhard correspond au national-catholique autrichien). N’insistez pas trop sur vos origines françaises. Ce que vous perdrez en dignité vous le gagnerez en raison. Tous ces voyages coûtent chers. Vos moyens, au début, ne vous permettront pas d’en user autant qu’il serait nécessaire. Je vous engage donc à rencontrer et connaître les arcanes du ministère des Affaires Etrangères. Vous y trouverez adresses, noms de lieux improbables et une collection de conseillers culturels tous disposés à défendre la photographie française, injustement considérée. Sur place, vous découvrirez des lieux aussi inadaptés que les moyens alloués. Mais vous aurez obtenu là les lignes supplémentaires d’un curriculum vitae qu’il vous faut étoffer sans jamais ralentir.
Il est, à la vérité, une vertu sans équivalent dans la possession d’une biographie garnie. Le mensonge doit devenir l’habitude. Rajoutez des lignes à votre curriculum vitae. Combien paraissent misérables, sinon méprisables, et sentant fort la province française, Lannion, Pontault-Combault, Guingamp, Douchy-les-Mines, Lectoure, Cherbourg, et Chalon-sur-Saône. Ornez vos dossiers de villes suédoises, finlandaises, catalanes et arabes. Sharjah, Beyrouth, le rêve oriental renaît. Sans faiblir, d’années en années, les feuilles se remplissent de collections prestigieuses et de fondations vénitiennes. Mentez ! Mentez ! Et que l’on ne considère pas ces tromperies comme une bassesse. Au contraire, elles prouvent un caractère fort, dépourvu de toute morale, un esprit d’entreprise qui saura convaincre le marché de la photographie de votre soumission à ses règles. Alors peut-être, si vous avez suivi à la lettre ces recommandations, Paris Photo vous accueillera, et si l’Espagne existe encore, votre nom illuminera PhotoEspaña.
Vous vous étonnerez de ne pas trouver dans ces considérations un mot sur l’intérêt de la photographie. C’est que je ne considère pas qu’il y ait lieu d’en parler ici. En premier lieu, rien ne vous oblige à croire aux vertus de l’invention de Nicéphore Niépce. Il faut se garantir contre l’envie d’une quelconque utilité du médium. Il n’a jamais été nécessaire d’être croyant pour professer l’amour de Dieu. Etre photographe, c'est-à-dire se penser comme un auteur, c’est piller sans vergogne. C’est nier le caractère mécanique de la machine pour mieux se soumettre à la logique des Beaux-arts. Et pour cela, nulle précaution envers les anciens qui encombrent le marché de la photographie. Vous avez le choix, moquez-les avec des références imparables (Cotton, Chevrier, Frizot, Poivert), ou mieux même, feignez d’ignorer l’histoire de la photographie. Personne n’en n’a jamais tiré grand profit. Un adroit voleur d’idées ne se nourrit que de gros livres d’images, de films sots, de préfaces rapides et de séries télévisées. On doit donc s’assurer que tout cela concorde, non avec la morale et ses principes, avec une quelconque utilité sociale, mais avec la taille des salons bourgeois et des salles d’exposition. Le format ! Voilà la grande affaire de la photographie contemporaine. Seuls les grands formats sont respectables. Si, par surcroît, vous êtes un habile coloriste, on louera votre science. Tout ce que la petite communauté photographique compte de puissants doit pouvoir se recueillir un jour devant tant de culot, d’audace et de nouveauté, quand bien même vous n’aurez que souscrit à des règles déjà bien établies.
Nous pourrions poursuivre encore. Mais je doute que l’on me donne d’autres opportunités de distiller d’aussi utiles avertissements. Alors, donnez-vous à l’inconscience, sans pensée. La seule règle, vous l’avez compris, est de trouver une manière d’être qui convienne au galeriste libéral, au critique humaniste et au fonctionnaire social-démocrate, à ceux qui, gâtés par la vie, n’ont que des soucis décoratifs et des espoirs de décorations. Boire du sang encore et encore. Et si quelques photographes vous font de l’ombre, le meurtre reste la solution ultime. Car si vous voulez parvenir à cet état parfait, non pas de photographe mais d’artiste contemporain, abandonnez toute pitié, oubliez les amitiés et les serments. Jouez, Rastignac, pour être, non à côté de la création, en spectateur, proche du vide, mais en acteur de ce petit théâtre des vanités.
François Cheval
CIRCULATION(S)
Festival Européen de la jeune photographie
Galerie Côté Seine et Trianon - Parc de Bagatelle
Route de Sèvre à Neuilly, Paris 16
Du 22 février au 31 mars 2013.
Entrée libre
13 février 2013
Campagne polonaise
"Le paysage marquait déjà le milieu de l'hiver ; il ne manquait plus que la neige. Le ciel était d'un gris sourd, il y avait de la boue entre les pavés de la route, une eau marron dans les empreintes de sabots des cheveaux de trait. Les peupliers étaient humides, noirs, déplumés, et les champs détrempés se noyaient dans la brume. Sur ma gauche, à cinq mètres, s'étendait le village. Un cheval et une charrette se traînaient en s'éloignant, avec deux silhouettes sur la banquette, dont l'une inclinée sur le côté : un mari ivre ramené du bar par sa femme."
En mémoire de la forêt (In the Memory of the Forest)
Charles T. Powers (1997)
3 octobre 2012
Le tombeau
"Aux angles du sarcophage étaient posés quatre vases d’albâtre oriental du galbe le plus élégant et le plus pur, dont les couvercles sculptés représentaient la tête d’homme d’Amset, la tête de cynocéphale d’Hapi, la tête de chacal de Soumaoutf, la tête d’épervier de Kebsbnif : c’étaient les vases contenant les viscères de la momie enfermée dans le sarcophage. A la tête du tombeau, une effigie d’osiris, la barbe nattée, semblait veiller sur le sommeil du mort. Deux statues de femme coloriées se dressaient à droite et à gauche de la tombe, soutenant d’une main sur leur tête une boîte carrée, et de l’autre, appuyé à leur flanc, un vase à libations. L’une était vêtue d’un simple jupon blanc collant sur les hanches et suspendu par des bretelles croisées; l’autre, plus richement habillée, s’emboîtait dans une espèce de fourreau étroit papelonné d’écailles successivement rouges et vertes."
Le roman de la momie - Théophile Gautier (1858)
21 mars 2012
Une maison
"À gauche de la route, je vis un champ de maïs, une boîte aux lettres et une longue allée couverte de gravillons. Au bout entourée de quelques arbres, une maison avec une véranda. Il y avait une cheminée sur le toit, mais comme c'était l'été, bien entendu, il n'en sortait pas de fumée. Mais je pensais que ça faisait un joli tableau, et je le dis à Fran."
Plumes (Feathers)
in Les vitamines du Bonheur (Cathedral) - Raymond Carver (1983)
21 décembre 2011
Une plaine poudrée
"Quant au village même, il le connaissait à peine. Par sa fenêtre, une nuit, il avait contemplé le silencieux paysage qui se développe, en descendant, jusqu’au pied d’un coteau, sur le sommet duquel se dressent les batteries du bois de Verrières.
Dans l’obscurité, à gauche, à droite, des masses confuses s’étageaient, dominées, au loin, par d’autres batteries et d’autres forts dont les hauts talus semblaient, au clair de la lune, gouachés avec de l’argent, sur un ciel sombre.
Rétrécie par l’ombre tombée des collines, la plaine paraissait, à son milieu, poudrée de farine d’amidon et enduite de blanc cold-cream ; dans l’air tiède, éventant les herbes décolorées et distillant de bas parfums d’épices, les arbres frottés de craie par la lune, ébouriffaient de pâles feuillages et dédoublaient leurs troncs dont les ombres barraient de raies noires le sol en plâtre sur lequel des caillasses scintillaient ainsi que des éclats d’assiettes."
À rebours - Joris-Karl Huysmans (1884)
2 novembre 2011
Noir
"Dans la salle à manger tendue de noir, ouverte sur le jardin de sa maison subitement transformé, montrant ses allées poudrées de charbon, son petit bassin maintenant bordé d'une margelle de basalte et rempli d'encre et ses massifs tout disposés de cyprès et de pins, le dîner avait été apporté sur une nappe noire, garnie de corbeilles de violettes et de scabieuses, éclairée par des candélabres où brûlaient des flammes vertes et, par des chandeliers où flambaient des cierges."
À rebours - Joris-Karl Huysmans (1884)
13 juillet 2011
De dos
"Dés l'entrée, ils aperçurent Dorian Gray. Il était au piano, le dos tourné, et feuilletait un recueil de Schumann : Les Scènes de la Forêt."
Le portrait de Dorian Gray - Oscar Wilde (1890)
"As they entered they saw Dorian Gray. He was seated at the piano, with his back to them, turning over the pages of a volume of Schumann's "Forest Scenes"."The Picture of Dorian Gray - Oscar Wilde (1890)
13 avril 2011
Baraquement
"Le baraquement où dormaient les hommes était long et rectangulaire. A l'intérieur, les murs étaient blanchis à la chaux, et le plancher était de bois brut. De trois côtés il y avait des petites fenêtres carrées. Le quatrième côté était percé d'une porte massive avec un loquet de bois. Contre les murs il y avait huit lits. Cinq d'entre eux étaient faits avec des couvertures, les trois autres montraient la toile à sac de matelas. Au-dessus de chaque lit, des caisses à pommes étaient clouées, l'ouverture en avant, formant ainsi deux étagères pour que l'occupant du lit y pût mettre ses objets personnels. Et ces étagères étaient encombrées de petits articles : savons, poudre de talc, rasoirs, et ces magazines du Wild West que les hommes des ranches adorent lire, dont ils se moquent, mais que, secrètement, ils prennent au sérieux. Et il y avait des médicaments sur les étagères, des petites fioles, des peignes. Quelques cravates pendaient à des clous fichés sur les parois des caisses. Près d'un des murs, il y avait un poêle en fonte noir dont le tuyau entrait tout droit dans le plafond. Au milieu de la chambre, une grande table carrée était couverte de cartes à jouer, et, tout autour, il y avait des caisses pour que les joueurs pussent s'asseoir."
Des souris et des hommes (Of Mice and Men) - John Steinbeck (1937)
31 mars 2011
Une petite lueur
"Nos talons résonnaient sur les pierres des ruelles.
Des corps allongés que nous contournions, faisaient des tas blancs sur les seuils.
Enveloppés dans leurs burnous, des indigènes rêvaient ; de temps à autre, la petite lueur de leur cigarette éclairait un visage de bronze aux yeux baissés."
El Guelmouna, marchand de sable - George André-Cuel (1930)
2 mars 2011
Ces années-là ...
Je n'ai jamais vraiment été fan de Willy Ronis (trop gentiment consensuel à mon goût !), mais cette photo me fait marrer.
Pas tant d'ailleurs par ce que tout le monde y a vu (des êtres humains sans tête ...) mais plutôt par cette naïveté typique de ces années-là et par cette critique bon enfant d'une société d'un autre siècle qui, finalement, semblait bien innocente et candide ...
Voici ce que Willy Ronis en disait : “Ce matin de février 1979 je me trouve près du Châtelet et je décide de faire enfin connaissance avec le RER. Je déambule lentement à travers le labyrinthe et mes regards sont attirés, de loin, par les trois batteries de triples casques rouges, rassemblés près d'un des murs du pourtour. Je m'approche de ce spectacle insolite et j'en fais lentement le tour, en quête du meilleur point de vue pour mon objectif grand angle 28 mm... Émerge en moi la vague sensation d'assister au repas sauvage d'un groupe de plantes carnivores déguisées en téléphones pour mieux tromper les humains, et anesthésiant quelques voyageurs étourdiment engagés sous leurs géantes corolles. Au terme d'une longue attente, mes trois monstres ont capturé chacun deux victimes...” (in Derrière l'objectif de Willy Ronis - 2001).
Le jaune-vert opalescent des néons, le rouge brillant des cabines, le noir satiné du sol en plastique ... on peut rêver à ce qu'aurait pu être cette photo, si elle avait été faite en couleur ...
9 février 2011
Femme assise au bord du lit
"Marylou était une jolie blonde, avec de longues boucles de cheveux pareilles à des vagues d’or ; elle était assise sur le bord du lit, les bras ballant entre les jambes, et ses yeux couleur d’horizon brumeux regardaient droit devant elle d’un air égaré parce qu’elle se trouvait dans un de ces meublés new-yorkais ternes et de sinistre réputation dont on lui avait parlé dans l’Ouest, et elle attendait, ressemblant ainsi, longiforme et émaciée, à quelque femme surréaliste de Modigliani dans une vraie pièce."
Sur la route (On the Road) - Jack Kerouac (1957)
17 novembre 2010
Une cahute en Louisiane
"La cahute était pareille à des milliers d'autres que j'avais vues dans ma vie durant, à travers la Louisiane et le Mississippi. Il n'y avait pas de vitres aux fenêtres, rien que des volets sur charnières qu'on maintenait ouverts par deux baguettes. Les murs étaient isolés à l'aide de pages du catalogue Sears puis recouverts de papier peint dont les lés se décollaient, zébrés des couleurs brunes de l'eau de pluie. Les cabinets extérieurs, installés tout à côté d'un petit enclos à cochons, arboraient, en guise de toit, un panneau rouillé R.C.Cola."
10 novembre 2010
Une maison incendiée
"De l'autre côté de la vallée la route passait à travers un brûlis totalement noir. À perte de vue chaque côté de la route des troncs d'arbre carbonisés amputés de leurs branches. La cendre volante se déplaçant au dessus de la route et dans le vent le grêle gémissement des fils morts tombant comme des mains flasques des poteaux électriques noircis. Une maison incendiée dans une clairière et au-delà une étendue grise et nue d'anciens herbages et un remblai de boue rouge à vif où un chantier routier gisait à l'abandon."
La route (The Road) - Cormac McCarthy (2006)
14 octobre 2010
Une très vieille maison
"Si vous marchez dans la grand-rue, un après-midi du mois d'août, vous ne trouverez rien à faire. Le plus grand bâtiment, juste au centre de la ville, n'a que des fenêtres aveugles et penche si fort vers la droite qu'à chaque seconde, on attend qu'il s'effondre. C'est une très vieille maison. Elle a quelque chose d'étrange, d'un peu fou, que vous ne parvenez pas à comprendre, et, brusquement, vous découvrez qu'il y a très longtemps déjà, on a commencé à peindre le côté droit de la véranda et un peu du mur – mais on n'a pas terminé le travail et la maison a un côté plus sale et plus sombre que l'autre. Elle a l'air tout à fait inhabitée. Au second étage, pourtant, il reste une fenêtre qui n'a pas été aveuglée. Il arrive parfois, au plus tard de l'après-midi, quand la chaleur est à son comble, qu'une main pousse la persienne et qu'un visage surplombe la ville. Un visage comme en on les figures qu'on croise dans les rêves – blafard, aséxué, deux yeux gris en croix, tournés l'un vers l'autre suivant un angle si aigu qu'ils ont l'air de se renvoyer le regard immense et secret de la douleur. Ce visage s'attarde une heure environ, puis la persienne se referme, et il n'y a plus âme qui vive dans la grand-rue."
La Ballade du café triste (The Ballade of the sad cafe)
Carson McCullers (1943)
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