Au-delà de la polémique (et alors même que les livres et les photos sont en accès libre dans n'importe quelle librairie bien achalandée …), l'exposition
Larry Clark, au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, a le mérite de montrer l'œuvre du photographe américain dans sa globalité. Une œuvre étonnemment cohérente d'où ressort, lorsqu'on est plongé au centre de ces séries classées par ordre chronologique, une terrible impression de tristesse. La tristesse d'un homme qui essaie, depuis près de cinquante ans, de faire le deuil de son adolescence …
Billy Mann, 1963 - Photo © Larry Clark
Evidemment, si l'on s'arrête au seuil des images qui nous sont présentées ici, sans essayer de comprendre pourquoi Larry Clark photographie la vie de ces adolescents, on peut n'y voir que violence et pornographie. Mais la problématique est bien plus complexe que ça car Larry Clark vient du même milieu que ces enfants et a vécu bon nombre des situations qu'il photographie. Il dit d'ailleurs lui même qu'il a eu "une adolescence de merde", que son père le méprisait et qu'il est tombé dans la drogue dès l'âge de 15 ans. Son travail a donc avant tout, valeur de témoignage.
TEENAGE LUST (1983)
Editeur : Larry Clark
Réédition : Hennessey & Ingalls (1997)
Lorsqu'à vingt ans il prend ses premiers clichés, rassemblés en 1971 dans son premier livre intitulé "Tulsa", du nom de sa ville natale, il choisit tout naturellement de photographier ceux qu'il aime et qu'il admire, ses amis, et ce qu'il connaît le mieux, son environnement proche, celui de la rue, de la drogue et de la violence.
TULSA (1971)
Editeurs : Lustrum Press - Rapoport Printing
Réédition : Grove Press / Atlantic Monthly Press (2000)
Je peux comprendre qu'on ai du mal à supporter certaines de ses images mais la sincérité de Larry Clark n'est pas à mettre en doute et, plus que de la violence (qu'elle soit physique, sexuelle ou autre), c'est de la souffrance que l'on ressent ici. Celle d'un artiste qui n'a cessé d'être fasciné par cette période de sa propre vie, toute à la fois dramatique et désespérément fantasmatique : “
Lorsque dans les années 60, j’ai commencé à prendre des photos de gens autour de moi, je me fabriquais ma propre mythologie, mon propre univers. Il s’agissait déjà d’un mélange entre réalité et fiction, entre ce que je voyais devant moi et ce que je voulais formuler à partir de cette réalité.»
Photo © Larry Clark
Aimer l'œuvre de Larry Clark ne doit pas être une posture comme on peut l'entendre ici ou là … et de toute façon, comprendre l'œuvre du photographe n'oblige pas à l'aimer. Mais une chose est sûre, son travail ne peut laisser indifférent tant il est émouvant d'humanité, au sens large du terme … quant à la créativité, ça, c'est une autre histoire ...
Jonathan Velasquez, 2004 - Photo © Larry Clark
À noter que vous ne verrez pas en avant première, et contrairement à ce qu'il est indiqué dans le dépliant du musée, le film autour de Jonathan Velasquez que Larry Clark aurait réalisé en vidéo : le film ne serait pas fini.
Quant au catalogue, qui aurait dû être édité pas Paris Musées, le sera finalement par les galeries
Simon Lee de Londres et
Luhring Augustine de New York (bientôt disponible).
Carlos, Sergio, Porky, Jonathan, Churro, Eddie, Kico, Ricardo,
Spermball (Milton), PJ, Armando, 2004 - Photo © Larry Clark
Larry Clark : Kiss the Past Hello
Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris11 avenue du Président Wilson - 75116 Paris
Du mardi au dimanche de 10h à 18h
- Le jeudi jusqu'à 22h
Exposition interdite aux moins de 18 ans.