Ce photoblog présente quotidiennement

un premier choix non définitif d'images pour les séries en cours.

Il vient en complément du site www.yannickvallet.com qui, lui,

présente un panorama complet de mon travail.


14 décembre 2012

Du Côté du Bois #5

Un repos bien mérité.

Debout devant la fontaine, j'essaie de comprendre. De trouver un indice. Je scrute même le tronc des arbres les plus proches, pour découvrir d'éventuelles traces de cette statuette disparue, ou des pancartes qui y étaient accrochées "POSTE DE SECOURS", "LA MAISON EST OUVERTE TOUS LES SAMEDIS ET DIMANCHES" ou encore "LA MAISON REÇOIT LES CLIENTS AVEC LEUR PANIER". Mais rien. Comme si les choses n'étaient pas à leur place. Etrange.

A côté, Bois de Clamart, 2012 - Photo © Yannick Vallet

Je n'ai pas besoin de me forcer beaucoup pour voir les couples danser sur des airs de polka ou de valse. Deux sous11 par couple et par danse, tel est le tarif. Et ils sont nombreux le week-end à venir guincher au son des airs à la mode, et prendre l'air en forêt. Car depuis le 13 juillet 1906, une loi a été votée, instaurant le repos dominical obligatoire. Une petite révolution, trente ans avant les congés payés. Du coup, ce sont des familles entières qui viennent ici déjeuner le dimanche. Ceux qui n'ont pas les moyens apportent leur panier à provision. Les autres s'assoient aux tables du restaurant ou à la terrasse du café. Comme dans ce documentaire de 1929 que j'ai vu récemment, "Nogent, eldorado du dimanche". Le tout premier film de Marcel Carné. Et dans lequel on voit les jeunes parisiens se diriger en masse vers les guinguettes, en quête de bon temps et de divertissement !

F., Bois de Clamart, 2012 - Photo © Yannick Vallet

Mais à Clamart, il n'y a pas la Marne. Alors plus tard, dans l'après-midi, on fait une petite promenade. Les amoureux poussent jusqu'à l'étang de la Garenne, pour voir la Pierre aux Moines (un menhir de deux mètres cinquante, découvert par Marcellin Berthelot en 1895) ou pour se perdre le long des berges sauvages. Et les autres, les curieux, fascinés par l'aérostation vont tenter d'apercevoir les dirigeables. Car derrière ce mur imposant qui borde la Route de la Porte de Fleury, se trouve le Parc Aérostatique de Chalais-Meudon avec, tout au bout, le fameux Hangar Y d'où est parti en 1884, "La France", immense dirigeable, construit par Charles Renard12. Le premier du genre.

Derrière le mur, Bois de Clamart, 2012 - Photo © Yannick Vallet

La journée touche à sa fin, et il me faut absolument comprendre ce qui s'est passé ici. Et pourquoi je n'arrive pas à recoller les morceaux. Je remonte vers le mur que j'ai aperçu à mon arrivée et je fais le tour du périmètre à la recherche d'un ultime indice. Mais pourquoi donc avoir déplacé la route forestière principale et l'avoir fait passer (après la démolition de la guinguette ?) quelques mètres au-dessus de la fontaine ? Alors qu'auparavant, ce sentier passait juste devant la fontaine.

Siège, Bois de Clamart, 2012 - Photo © Yannick Vallet

Tout à coup, cela me semble évident. Ce n'est pas le chemin qu'on a déplacé mais bien la fontaine. Ce n'est pas possible autrement. Et effectivement, je retrouve ce qui semble être sa place originelle. Une trentaine de mètres plus haut. Juste au carrefour. Exactement comme sur les cartes postales. Et comme par miracle, chaque élément reprend sa place. Naturellement.

A l'origine, Clamart, 2012 - Photo © Yannick Vallet

Les ormes qui entouraient la fontaine en arc de cercle sont bien là. Je reconnais celui où était fixée la statuette de Marie. Le mur, plus loin, est celui qui délimitait la propriété, juste derrière le bâtiment principal. Le petit bout de chemin, qui monte au-dessus, était celui qui menait à l'entrée latérale permettant d'accéder au restaurant, en venant de Meudon. Les petits pavés allongés, à l'autre bout, devaient faire partie du mur de clôture.

Bordure, Bois de Clamart, 2012 - Photo © Yannick Vallet


Et la fontaine ?

Fontaine, Bois de Clamart, 2012 - Photo © Yannick Vallet

Un clamartois me confirma plus tard qu'elle avait bien été déplacée. Déplacée, certes, mais reconstruite n'importe comment. L'enceinte en pierre a perdu un étage et le bassin a été retaillé ! Alors que la construction originale semblait s'élever au-dessus du sol, celle-là donne la désagréable impression de s'enfoncer sous terre … Dommage.

Parois, Bois de Clamart, 2012 - Photo © Yannick Vallet

La lumière commence à baisser et, tandis que je prends une dernière photo de l'ancien emplacement de la fontaine, je perçois, juste derrière moi, le bruit de l'eau qui s'écoule. Un son qui n'a pas changé, depuis une éternité. Comme immuable et fidèle à lui-même. La seule chose qui soit en fin de compte restée intacte, depuis que des générations de parisiens et de banlieusards sont venus ici, pour déjà à l'époque, le temps d'un week-end, oublier les difficultés de la vie quotidienne …

La Fontaine, Bois de Clamart, 2012 - Photo © Yannick Vallet

Un dernier regard sur le passé et je quitte les lieux. Remontant à travers la forêt, je passe à nouveau devant le Réservoir et me retrouve, quelques minutes plus tard, au centre du Théâtre. Mon périple s'arrête là, mais je sais que bientôt je reviendrai ici. À l'ombre des chênes et des chataigniers. Du côté du bois …



FIN 



Demain : les bonus. Avec des images qui bougent, des sons qui coulent et des photos qui s'exposent ...


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Les photographies de cette chronique, parues sur "Deux ou trois choses" depuis le début de la semaine, sont une sélection parmi les 83 que compte le projet, exposé initialement à la médiathèque de Clamart.
Le texte, lui, est retranscrit dans son intégralité.
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Un grand merci à toutes mes sources de renseignements qui m'ont permis de me documenter.

À commencer par M. Raymond Bienvenue, mémoire vivante de Clamart,
Les Amis de Clamart et sa présidente, Mme Gisèle Jullemier,
Le personnel des archives municipales de la ville de Clamart,
Le Comité de Sauvegarde des Sites de Meudon, pour ses articles sur l'Orphelinat Saint-Philippe.

Sans oublier la Médiathèque de Clamart et Anne Frasson-Cochet pour son écoute et sa disponibilité lors de l'accrochage de l'exposition.

Et bien sûr, Madeleine Mathé, responsable artistique du Centre d'Art Albert Chanot de Clamart, sans qui ce projet n'aurait certainement jamais vu le jour.


11. Environ 25 centimes d'euros actuels
12. D'une longueur de 52 mètres, ce ballon était propulsé par une hélice fonctionnant grâce à une batterie électrique. Décollant de Meudon, le Colonel Renard et le Capitaine Krebs ont effectué, le 9 août 1884, un parcours en circuit fermé de 7,6 Km pour une durée de 23 minutes.